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De la bonne utilisation des liens hypertextes
(Vincent Genot-Le Vif/L'Express-1/3/2002)


Pendant que British Telecom Group s'efforce de faire reconnaître sa paternité sur le lien hypertexte, les éditeurs belges tentent d'en réguler l'utilisation Simple, comme toutes les bonnes idées, le lien hypertexte, qui permet de passer d'une information à une autre à l'aide d'un clic de souris, est la base du Web. Sans lui, pas de navigation, pas d'interactivité... pas de Web. Devant l'engouement suscité par la Toile et fort d'un brevet déposé en 1976, aux Etats-Unis, qui en explique les principes de fonctionnement, British Telecom (BT) tente par tous les moyens de s'en attribuer l'invention. On le comprend. Si, à chaque clic sur un lien, une rétribution, si faible soit-elle, devait tomber dans son escarcelle, l'opérateur britannique pourrait se confectionner un sérieux bas de laine sans plus jamais tricoter une maille.

Il y a cependant encore loin de la coupe aux lèvres. En 2000, BT avait déjà démarché plusieurs ISP (Internet Service Providers) américains en vue de leur faire payer des royalties. Début février 2002, face à leurs refus polis, l'opérateur a décidé d'assigner Prodigy - le premier fournisseur historique américain fondé en 1984, devenu depuis SBC Communications - devant une cour fédérale américaine pour violation de brevet. En cas de succès, BT a déjà annoncé son intention de poursuivre d'autres ISP américains. Toutefois, de nombreux experts doutent sérieusement du succès de la manoeuvre. Pour eux, le concept de la navigation hypertexte trouve ses racines dans le projet Xanadu (une bibliothèque virtuelle) lancé au début des années 60 par le scientifique Ted Nelson, qui, le premier, utilisa le mot hypertexte dans une publication parue en 1965. Selon l'agence Reuters, l'issue du procès, attendue courant mai 2002, ne devrait pas avoir de répercussions en Europe, les Etats-Unis étant le seul pays soumis au brevet de BT.

Si la Belgique n'est pas directement concernée par ce problème de brevet sur l'hypertexte, la nouvelle charte belge d'utilisation des publications de presse, lancée par les éditeurs de quotidiens, magazines et périodiques (voir le Vif/L'Express du 8 février dernier) rappelle que, dans notre pays, l'utilisation des liens n'est pas entièrement libre. Ainsi, la charte comporte une mention qui précise que, «pour établir un lien vers un article sur le site d'un éditeur», il faut obtenir l'autorisation de celui-ci. En clair, les éditeurs font la distinction entre les liens en surface (surface linkings) qui renvoient vers la page d'accueil d'un site, et les liens en profondeur (deep linkings) qui pointent vers une page secondaire. Les premiers sont libres d'utilisation, les seconds soumis à autorisation. Pour les éditeurs, le lien en profondeur s'apparente juridiquement à la copie sans autorisation. Les auteurs de site qui créent un lien direct vers des articles sans autorisation s'exposent donc à des poursuites judiciaires pour infraction à la protection légale du droit d'auteur. Une analyse que ne partage par Nicolas Ide, avocat au barreau de Bruxelles, spécialisé dans les nouvelles technologies. Pour lui, le lien profond ne porte pas atteinte à la législation sur le droit d'auteur. Cependant, «si les éditeurs souhaitent entamer des poursuites, ils auraient plus de chances d'obtenir gain de cause en évoquant un acte de concurrence déloyale». En effet, en créant un lien vers une page secondaire, on court-circuite la page d'accueil d'un site, un emplacement généralement fort prisé pour afficher des bandeaux publicitaires. Conscients que la restriction sur les liens en profondeur estompe l'un des attraits majeurs du Web et donc pénalise l'utilisateur, les éditeurs se veulent rassurants, en précisant que leur campagne sur le Net vise, avant tout, le monde de l'entreprise qui abuse des liens en profondeur en proposant, par exemple, une revue de presse en ligne à leurs employés. Un procédé qui, soit dit en passant, entre directement en concurrence avec le service Press Banking (revue de presse électronique personnalisée et payante) mis en place par ces mêmes éditeurs. Le site Web du particulier à vocation non commerciale a donc peu de soucis à se faire. Le contraire serait d'ailleurs assez malvenu quand on constate que les versions électroniques des principaux quotidiens du pays utilisent intelligemment, mais sans autorisation, de nombreux liens profonds. Charité bien ordonnée...

©Vincent Genot, 2002

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