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CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE
17 Avril 2000-Ethiopie: l'urgence d'abord, le bilan des responsabilités ensuite
Les femmes d'Ethiopie pleurent à nouveau leurs enfants, les plus faibles, morts de faim. Sur la terre craquelée par la sécheresse, jonchent des carcasses de vaches, abandonnées, elles aussi victimes de la famine, qui frappe, une fois encore, les populations de la corne de l'Afrique.
Bien sûr, on est loin du drame de 1984 qui avait fait un million de morts et dont les images transmises sur les petits écrans ont à jamais marqué l'Occident, néanmoins, la situation est plus que préoccupante.
Si la directrice du Programme alimentaire des Nations Unies, lors de sa tournée dans la région, a décrit la scène sans prononcer le terme " famine ", ce sont plus de 12 millions d'habitants qui affrontent chaque jour la sécheresse et la sous-alimentation.
Les critiques ont fusé contre les autorités éthiopiennes, embourbées dans une guerre contre le pays voisin, l'Erythrée. Le conflit mobilise en effet d'importants moyens financiers et ralentit l'acheminement de l'aide. Kofi Annan, le Secrétaire général de l'ONU, a regretté à la fois le manque de préparation du gouvernement dans l'organisation de la distribution de l'aide internationale et les effets de la guerre avec l'Erythrée, notamment sur les voies de communication.
De son côté, le gouvernement éthiopien a rétorqué que la communauté internationale a tardé à répondre à la demande d'aide et que la guerre n'a pas de conséquence sur la bonne gestion de la crise alimentaire.
Loin de ces invectives, plusieurs constats s'imposent. Certes, contrairement à ce que clament les autorités, on ne peut négliger les effets néfastes de la guerre tant sur la mobilisation d'hommes et de moyens à d'autres fins que le bien-être alimentaire de la population, que sur les déplacements de population, et l'insécurité qui ralentit les actions des ONG. Mais, on ne peut pas non plus faire peser uniquement sur les autorités éthiopiennes et sur les troubles politiques toute la responsabilité du désastre.
La pluie n'est pas tombée sur ces régions depuis plus de trois ans, ce qui signifie que les conditions climatiques sont fortement en cause. En fait, il ne faut pas oublier que la malnutrition constitue un problème structurel, largement prévisible. De nombreux experts, parmi lesquels ceux de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture (FAO), ont pour métier de prévoir les famines et d'en informer la communauté internationale. La sécheresse en Ethiopie n'est donc une surprise pour personne. Seulement, les propositions pour enrayer ce fléau ont tardé, tant du côté de la communauté internationale que du côté du gouvernement éthiopien qui ne pouvait pas ne va voir le drame s'installer.
Il ne s'agit pas ici de mettre dos à dos les uns et les autres, mais de lancer un appel. Le bilan des responsabilités et les règlements de compte, tout en étant nécessaires, peuvent attendre quelque peu. L'urgence est aujourd'hui ailleurs. Une population, souffrant du manque de nourriture et d'eau, et de la propagation de maladies telles que diarrhée, rougeole et pneumonie, attend de la communauté internationale non pas des paroles et des leçons mais de quoi survivre.
©Laurence Jamotte, 2000.
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