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CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE
05 Février 2000-L'Autriche mise à l'écart, l'Europe mise en garde
Les conservateurs de l'OVP, puis le président autrichien Klestil ont accepté
que le parti extrémiste de Haider soit aux commandes du pays. Malgré les
menaces, les avertissements et les prises de position de la communauté
internationale, l'Autriche a franchi le Rubicon. Les événements rappellent
le passé, réveillent les peurs. Les quatorze partenaires européens de
l'Autriche ont appliqué des sanctions contre Vienne. La France, l'Allemagne,
la Grande Bretagne, la Belgique, l'Espagne, la Suède et le Danemark ont
annoncé dès vendredi qu'ils suspendaient tous les contacts bilatéraux avec
le gouvernement Schüssel. Israël a rappelé son ambassadeur, de même que les
Etats-Unis " pour consulations ". Le président Klestil se profile en père de
la Nation et " demande à tous les partis politiques du pays comme aux
gouvernements étrangers : donnez une chance à ce nouveau gouvernement,
attendez ces actes avant de le juger ! ".
La journée de vendredi fut noire. Mais à côté de la triste cérémonie
officielle de " prise du pouvoir " par le nouveau chancelier Wolfgang
Schüssel, l'Autriche a présenté son autre visage, celle d'une Autriche,
révoltée, qui bouge, qui manifeste pacifiquement, qui s'insurge contre
l'inacceptable : la xénophobie, le repli sur soi. La crise que connaît
l'Autriche a produit un sursaut dans la population. Des organisations de
soutien aux étrangers, de défense des droits de l'homme, de lutte contre le
racisme se sont fait entendre dans les rues de Vienne, contre le FPO et
contre les Conservateurs de l'OVP, responsables de la " compromission
honteuse ".
C'est cette Autriche-là qu'il faut aujourd'hui soutenir, c'est avec elle
qu'il faut décoder la crise que subit Vienne, c'est auprès d'elle qu'il faut
combattre d'une manière forte et non à coup d'injures et d'anathèmes les
forces de l'extrême-droite en Autriche, en Suisse, en Allemagne, en France,
en Belgique. Car si aujourd'hui, ceux qui ne sont pas autrichiens ont le
beau rôle, demain, il est probable qu'ils se retrouveront dans la même
situation que les Autrichiens. A force de laisser pourrir la situation,
d'imaginer pour seule solution la mise en place de cordon sanitaire,
toujours précaire, les problèmes et les dysfonctionnements, dont se
nourrissent les extrémismes de tous genres, continuent de s'aggraver.
L'Europe connaît et connaîtra d'autres Haider. Et il n'y a pas qu'en
Autriche que les barrières tombent peu à peu à l'égard des populistes, des
xénophobes et des racistes.
©Laurence Jamotte, 2000.
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