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CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE
3 Avril 2000-De Manage à Birmingham: le désespoir et la tristesse anéantissent le progrès et les profits
Scène de désespoir à Manage, dans le Hainaut belge, où la direction de
Bombardier Transport envisage de fermer l'usine, qui emploie 397
travailleurs. La semaine dernière, les salariés ont manifesté dans les rues
de l'entité hennuyère, déjà marquée par la récession économique, pour
exprimer leurs inquiétudes et leur colère. C'est la tristesse et
l'incompréhension qui se lisaient sur leur visage. Pour certains, la
situation est honteuse : "D'habitude, on ferme des usines quand il n'y a pas
de travail, mais si on les ferme quand il y en a, où va-t-on ?" s'interroge
l'un des travailleurs.
La direction tient évidemment un tout autre discours. Elle met en cause de
mauvais résultats en 1999, la baisse substantielle des commandes, la chute
des prix dans le secteur ferroviaire, et les trop lourdes charges sociales
belges...
En 1998, l'entreprise a pourtant engrangé un bénéfice s'élevant à 400
millions. A Manage, le carnet de commandes est plein jusqu'en 2003. Et de
l'Autre côté de l'Atlantique, au Canada, l'entreprise se pavoise et annonce
fièrement aux médias que pour satisfaire ses clients, elle engage.
Scène de désespoir à Birmingham aussi... Où des milliers de Britanniques ont
manifesté pour protester contre la cession de Rover par BMW et pour écarter
la menace qui pèse sur des milliers d'emplois dans cette région. Les
salariés de Longbridge, où se situe la plus grande chaîne d'assemblage de
Rover, avec plus de 9000 salariés et une production annuelle de 180 000
véhicules étaient venus en force avec leurs familles et armés de pancartes.
Ils étaient venus crier "Sauvez Rover, sauvez nos emplois".
En Belgique comme en Grande-Bretagne, le désespoir est grand. La fermeture
d'une usine signifie bien plus que la mise au chômage de ses salariés et des
charges supplémentaires pour les pouvoirs publics. La fermeture d'une usine
constitue un véritable séisme, un traumatisme. Elle met les travailleurs
dans des situations ingérables, met leurs rêves et espoirs au placard, au
point parfois de briser les familles.
L'Europe peut bien se targuer d'être la première puissance commerciale,
Bombardier, Rover peuvent bien afficher leurs bénéfices, quand ça les
arrange, que valent les progrès et les profits quand ils ne sont pas
partagés par tous ? Quand ils permettent de remplir les carnets de commandes
et les porte-monnaie de quelques uns seulement ? A quand l’Europe sociale ?
©Laurence Jamotte, 2000.
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