CHRONIQUES DE LAURENCE JAMOTTE

18 novembre 1999-Cuba : 9ème sommet ibéro-américain-Droits de l'homme, commerce, incantation...
La Havane voulait se montrer sous son plus beau jour, à l'occasion du 9ème sommet ibéro-américain, qui s'est tenu dans la capitale cubaine. Les rues avaient été nettoyées, les mendiants, les prostituées " évacués " des lieux touristiques, les façades ravalées, etc. Le protocole cubain s'était même offert une trentaine de nouvelles Mercedes, pour accueillir ses invités.
Pour Fidel Castro, l'occasion était unique. Aucun rassemblement, depuis le sommet des pays non alignés en 1979, n'avait réuni autant de leaders internationaux sur l'île. Pour la première fois depuis 500 ans, Cuba recevait même le roi d'Espagne, Juan Carlos.
Pour le leader communiste, la tenue d'une réunion d'un si haut niveau constitue une victoire diplomatique de taille. Après la visite du pape Jean-Paul II en janvier 1998, ce sommet est un second pied de nez à l'Oncle Sam, qui impose un embargo économique draconien à la " perle des Caraïbes " depuis 1961.
Mais, le succès a un goût amer pour " el lider massimo ". Si l'embargo américain a été condamné par tous les participants au sommet, le maître de La Havane s'est fait voler la vedette par les dissidents cubains. Pratiquement toutes les délégations des pays participant au sommet ont eu des contacts avec ces dissidents.
En fait, le thème du sommet " la situation économique mondiale " a été eclipsé par le discours sur le respect des droits de l'homme. Le premier Ministre espagnol a déclaré que " tant que Castro serait en vie, il n'y a aucune possibilité d'ouverture et de changement " pour Cuba. José-Maria Aznar a encore estimé que " les conditions ne sont pas suffisantes " pour que Cuba soit le cadre d'une visite bilatérale. De son côté, Juan Carlos a plaidé en faveur de " la pleine garantie des libertés et le scrupuleux respect des droits de l'homme". D'autres délégations ont fait la leçon au leader cubain.
Mais quel est le poids de ces discours ? Il est difficile de ne pas y voir des formules incantatoires. Le régime cubain est loin d'être le seul à ne pas respecter les droits de l'homme sur le continent latino-américain. Le Pérou, le Mexique, la Colombie ou encore Haïti connaissent des atteintes aux droits politiques, ou économiques et sociaux. Et une fois que les caméras ne seront plus braquées sur La Havane, les plaidoyers en faveur des libertés prononcés pourront-ils empêcher un raidissement du régime cubain ? Le commerce ne risque-t-il pas de faire oublier les déclarations d'intention ? L'Espagne reste le premier investisseur étranger (17 milliards d'euro entre janvier et juillet 1999) dans ce monde latino-américain. On se souvient de l'embarras et des mises en garde des milieux économiques espagnols lors de l'affaire Pinochet." Hasta la victoria siempre ", "Jusqu'à la victoire toujours ", a lancé Fidel Castro.qui ne compte pas changer sa politique. Mais à chacun son combat...

©Laurence Jamotte, 1999.